Régulièrement nous pouvons assister à une contestation lycéenne s’élever contre les réformes de l’Éducation nationale. Les revendications des étudiants adressent les réformes du lycée, de la voie professionnelle, du bac et du système d’accès à l’enseignement supérieur via Parcoursup.
Malheureusement, les violences qui peuvent accompagner ces manifestations occupent les esprits bien plus que le débat de fond et la pertinence des revendications.
Il ne s'agit pas de refuser toute forme de changement, mais, au contraire, beaucoup d'étudiants auraient des propositions à faire afin d'améliorer la qualité de l'enseignement et l'accès aux filières favorisant l'insertion dans le monde professionnel.
Les étudiants veulent être entendus, être force de proposition. Ne serait-il pas temps de leur donner voix au chapitre de manière institutionnelle et organisée ?
Et si les étudiants aidaient les enseignants à être de meilleurs pédagogues ?
Un des points sur lesquels les étudiants devraient être entendus est celui de la qualité des enseignements qui leur sont dispensés. D'aucuns pourraient penser que la progression des élèves, mesurée à l'aune de la réussite aux examens, pourrait suffire pour évaluer la qualité de l'enseignement. Mais ne pourrait-on pas compléter cette mesure, l'enrichir d'autres mesures ?
L'enseignant connaît les qualités et faiblesses éventuelles de son enseignement, car il a souvent une perception immédiate de l'impact de ses pratiques à travers l'attention et la participation de ses élèves. Mais à l'image du "connais-toi toi-même" de Platon, il pourrait certainement découvrir d'autres perspectives sur son enseignement grâce au "feedback" apporté par ses apprenants.
Certes, il existe des audits, mais l'appréciation des multiples étudiants, premiers récipiendaires de l'enseignement dispensé, est à coup sûr aussi pertinente que celle d'un intervenant extérieur. En effet, ce dernier doit se prononcer sur la base d'une observation ponctuelle, pas toujours représentative du fonctionnement nominal de cet enseignement, qui plus est, perturbé par le caractère "scrutateur" de l'intervention. Un retour d'appréciation par les élèves serait une mine précieuse d'information.
Une idée pourrait consister à s'appuyer sur l'évaluation dite à "360°", mise en place dans certaines entreprises et organisations. Celle-ci consiste à faire évaluer le salarié, sur la base de questionnaires éludant les aspects affectifs, à la fois par son supérieur hiérarchique, par certains de ses collègues et aussi ceux dont il est le responsable hiérarchique.
Trois démarches pour assurer l'objectivité des évaluations :
- En premier lieu, il s'agira de définir des critères qui cernent au mieux les besoins pédagogiques des étudiants. Les questions devraient cibler des points de pédagogie tels que : adéquation du contenu avec les attentes de l'élève, l'équilibre entre apports théoriques et cas pratiques, pertinence des explications, clarté et structure du cours, durée du cours, intérêt et utilité du cours.
- En second lieu, on pourra faire confiance à des étudiants dès lors que l'on exposera clairement la motivation de ce type d'évaluation, car elle leur est favorable. Il s'agit d'obtenir leur adhésion en prenant en considération leurs attentes.
- En dernier lieu, on ne s'intéressera qu'au 80 % de réponses situées autour de la médiane afin d'éliminer les appréciations extrêmes.
|
Une première étape vers un réel dialogue
Il ne s'agit pas ici d'établir un système de récompense de rémunération, encore moins de sanctions, en fonction des résultats de ce type d'évaluation, mais bien d'apporter un outil complémentaire par la visibilité qu'il apporte à l'enseignant, tout en prenant en considération la voix des étudiants. Ce procédé intéresse et responsabilise les étudiants à l'amélioration de l'enseignement. Il sera pertinent de sensibiliser, voire de former les élèves à ces évaluations. Les critères de l'évaluation pourront être élaborés, validés conjointement avec les enseignants, l'administration de l'établissement et des représentants des élèves. Il s'agit ici de gagner la confiance de l'ensemble des acteurs du système. Ce sera l'occasion de préciser ce que l'on attend de l'enseignement, d'établir un dialogue constructif entre l'enseignant, l'administration et les étudiants.
Nul doute qu'il faudrait se préparer à ce que les premières évaluations piquent à vif quelques ego et aient un premier effet démotivant. Mais affronter cette réalité comme de la matière brute à travailler pour se perfectionner conduira à coup sûr vers de grandes satisfactions. Et, il ne faut pas éluder que de telles évaluations pourraient mettre en évidence les enseignants déficients, lorsque des évaluations répétées sur quelques années montreraient des résultats insuffisants persistants. Il y va de la crédibilité et de la qualité de l'établissement, et du système éducatif.
Nous sommes convaincus que donner la parole aux apprenants sur la qualité de l'enseignement est un moteur d'amélioration du système éducatif.
|